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S’inscrivant dans le cadre du Better Neighborhoods Program 2002 (BNP), le boulevard urbain Octavia concrétise les objectifs présentés précédemment dans un projet d’aménagement. À proximité du centre-ville de San Francisco, à la jonction des quartiers Market et Octavia, le boulevard Octavia remplace depuis 2005 un tronçon du Central Freeway. Constitué de voies centrales rapides qui sont juxtaposées à des voies latérales pour la circulation locale et le stationnement, ce projet est agrémenté d’autres projets de réhabilitation du quartier, dont la reconstruction d’espaces riverains et l’aménagement d’espaces verts. 

 

 

01. Historique

 

Construit à partir de 1959, le Central Freeway faisait partie intégrante du système autoroutier de San Francisco. Devant traverser la ville afin de se rendre jusqu’au pont Golden Gate, sa construction fut interrompue en 1965 par la forte opposition citoyenne (Ministère des transports du Québec, 2006). Ainsi, ce tronçon autoroutier se termina au centre de la ville. Barrière visuelle, par sa structure surélevée, le Central Freeway crée des zones sombres, abandonnées, voire non sécuritaires au cœur du secteur de Hayes Valley. Aussi source de pollution sonore par la circulation dense et rapide qui s’y déroule, cet élément est aussi dérangeant pour les commerçants et les résidents de la zone traversée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Central Freeway : évolution du système d’autoroutes (1938-1987-2011)  <http://edwardblake.net/portfolio/clouds-specific/>

 

 

Bien que perçue comme une artère clé pour la connectivité de la ville, le tremblement de terre de 1989 vint sensibiliser la structure du Central Freeway. Ainsi, les bretelles au nord qui connectaient avec les rues Gough et Franklin ont été démolies. De leur côté, les bretelles de sortie et d’entrée restantes aux rues Oak et Fell et le reste du tronçon ont été fermés en 1996, pour des travaux de mise aux normes sismiques. Cependant, une fois cette fermeture annoncée, le trafic se dilua dans la ville et la population remit en question sa mise aux normes, voire sa fonction (King, 2007). Un grand débat en résulta, aboutissant finalement à l’élaboration d’un boulevard urbain par la firme CityWorks, plus spécifiquement par Allan B Jacobs, propriétaire de l’agence et reconnu nationalement en tant que planificateur urbain, ainsi que sa collaboratrice Elizabeth MacDonald.

 

 

02. Préoccupations et stratégies d’intervention

 

Le projet de démolition du Central Freeway et la construction d’un nouveau boulevard urbain suscitèrent plusieurs questionnements concernant la circulation et le paysage (Ministère des transports du Québec, 2006).

Le défi majeur, en ce qui concerne la circulation, consiste à allier les besoins de transit régionaux et ceux locaux. Sans contribuer à la production d’embouteillage, le projet se veut un moyen de ralentir le débit et la vitesse dans ce secteur puisqu’il est à la fois une porte

d’entrée au quartier, et à la ville. Ceci explique donc l’aspect multifonctionnel de ce boulevard juxtaposant circulation locale et de transport en commun. En tant qu’épine dorsale des dynamiques de circulation dans la ville, le boulevard Octavia permet de « redistribuer la circulation régionale à l’échelle locale,  d’assurer une gestion efficace de la circulation locale et de créer des zones de circulation propres aux piétons, aux cyclistes, aux transports en commun et aux automobilistes, et ce, grâce à la trame orthogonale dans laquelle il se situe et sa position centrale dans les quartiers Market et Octavia. Â» (Ibid.) C’est ainsi que des rues sécuritaires et accueillantes sont offertes à une variété d’utilisateurs.

 

 

 

 

 

 

Gestion de la circulation (San Francisco, 2010)

 

 

Les bretelles originales desservaient environ 90 000 véhicules par jour, aujourd’hui, le boulevard Octavia entretient un débit de circulation quotidienne moyen d'environ la moitié de ce nombre et est souvent à pleine capacité pendant les heures de pointe. Les enjeux principaux concernant la gestion du trafic du boulevard Octavia furent davantage liés à la façon dont l’installation allait s’intégrer dans le réseau routier artériel local, plutôt qu’au concept de multivoies en lui-même.  Composé de quatre voies centrales destinées au trafic rapide et de voies latérales à sens unique réservées à la circulation locale et au stationnement, le projet répond autant aux besoins des automobilistes qu’à ceux des piétons. En effet, la circulation entrant dans le quartier se fait à deux vitesses, réduisant ainsi l’impact du trafic dans le quartier (Ward, 2005). D’une part, quelques rues plus importantes sont directement reliées au boulevard, tandis que d’autres, plus résidentielles, sont reliées par des voies latérales.  Les enjeux qui ont surgi depuis l'ouverture d’Octavia Boulevard  se rapportent principalement à la façon de traiter le trafic routier aux intersections et la conception des routes secondaires.

 

 

 

Daily Vehicles

Median Speed

85 th Percentile

2006 Northbound

3222

21 MPH

27 MPH

2006 Southbound

646

19 MPH

26 MPH

2010 Northbound

1721

17 MPH

22 MPH

2010 Southbound

456

17 MPH

24 MPH

 

 

Tableau 1 : Le volume et la vitesse des routes secondaires à Octavia Boulevard calculés en juin 2006 et janvier 2010 entre les rues Haight et Page.

 

 

Le Multiway design est un concept soutenu par l’un des concepteurs de ce projet, Allan B. Jacobs. Convaincu que les gens en ont assez des voies rapides au sein des villes, et qu’ils sont plutôt à la recherche d’une réponse à échelle humaine, celui-ci affirme que ce concept s’agit de la réponse (Ibid.). Commun dans plusieurs villes européennes, ce type de boulevard à forte densité cherche à humaniser la rue, à l’habiter et à améliorer le paysage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Coupe du boulevard Octavia démontrant la juxtaposition des diverses parts modales (Ministère des Transports du Québec, 2006)

 

 

 

Le projet

Bien que ce modèle puisse sembler dangereux par la superposition fonctionnelle qu’il implique, il ne l’est pas du tout. Confrontant la voiture au piéton pour leur donner des espaces instinctifs, le boulevard urbain tente de détruire la ségrégation fonctionnelle renforçant les habitudes de mobilité de chacun. Cet équilibre entre densité et efficacité est plus que recherché par les concepteurs. Ayant étudié des exemples européens, ils affirment que plusieurs villes, telles Milan ou Venise, créent des rues partagées, sans trottoir, et personne n’y est pour autant en danger. Le boulevard urbain Octavia en est une itération. C’est donc à l’image de l’Avenue de Montaigne de Paris et du Passeig de Gràcia de Barcelone, que Jacob et MacDonald conçurent un boulevard urbain au plus grand plaisir des citoyens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Précédents de boulevards urbains : Passeig de Gracias, Barcelone et l’Avenue de Montaigne, Paris. (Flickr)

 

 

En ce qui concerne le paysage, le boulevard n’est plus une barrière visuelle. Plus étroit que l’ancien Central Freeway, mais construit dans ses empreintes, le boulevard Octavia est composé de quatre voies rapides de 3,3 m. Les chaussées latérales sont composées de voies à sens unique, de pistes cyclables ainsi que d’aires de stationnement, bordées de terrepleins et de trottoirs variant entre 3 et 4,5 m. Conçu pour être à la fois visuellement agréable et pouvoir accueillir les piétons, c’est par l’aménagement d’une variété de bandes vertes en bordure des voies automobiles, des voies pour un trafic plus lent et d’aires de stationnement, que le projet s’est développé. Les voies piétonnes sont agrémentées de divers arbres aux choix des résidents tandis que les terrepleins séparant les voies rapides de celles locales sont composés d’arbres aux larges cimes pour créer des espaces ombragés. Aussi, les trottoirs sont ponctués de bancs et de lampadaires ramenant le tout à une échelle humaine. Finalement, le terreplein central est orné de grands arbres atténuant le bruit et la vitesse des voitures (Ministère des transports du Québec, 2006).

 

C’est en étant agrémenté de percées visuelles à partir des rues perpendiculaires et d’ambiances chaleureuses découlant d’une attention particulière pour les matériaux et les systèmes d’éclairage, que boulevard urbain se matérialisa. Les nouvelles constructions immobilières contribuent aussi à l’intégration du boulevard au sein du tissu urbain existant de par leur alignement encadrant et dynamisant cette nouvelle artère. De plus, l’inclusion d’un nouveau parc, Patricia’s Green, ajoute à la mixité d’usages et d’usagers environnants (King, 2007).

 

En s’intégrant à la trame du quartier, le boulevard Octavia permet aujourd’hui de retisser le tissu du quartier. Autrefois sous-utilisés, les espaces autour de l’artère laissent maintenant place à une diversité de commerces et à une grande qualité de l’environnement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Diversité d’espace (Flickr)

 

 

03. Mise en oeuvre

 

À la fois partie intégrante des enjeux de circulation du City Wide Action Plan ainsi que des objectifs concernant le réseau viaire du BNP, d’autres éléments ont permis la mise en œuvre du boulevard Octavia. Entre autres, les études de circulation réalisées dans les années 1990, le peu d’effets négatifs sur la circulation suite à la démolition d’une section du Central Freeway et les pétitions citoyennes vinrent appuyer les procédures.

 

Le projet s’est ainsi étendu sur plus de 15 ans. En passant, dès 1990, par des études de circulation, des phases de démolition, des mouvements contestataires en 1998, de nouveaux votes en appui au projet une année plus tard, un labyrinthe bureaucratique et des litiges entre designers urbains et ingénieurs civils, l’inauguration du boulevard se déroula finalement en septembre 2005.

 

La première étape du projet, celle de démolition, et son financement furent assurés par le département des transports de l’État de la Californie ainsi que par le département de la gestion du transport de la Ville de San Francisco. Par la suite, c’est par un partenariat entre le San Francisco County Transportation Authority et la ville et Caltrans, responsable du financement, que le projet de construction fut mis sur pied. Le design du projet fut confié aux urbanistes Allan B. Jacobs et Elizabeth MacDonald, adjoints du département des travaux publics incluant des services de génie civil et d’architecture du paysage, ainsi que du département de la gestion des transports de la Ville.

 

Finalement, l’aménagement du parc fut confié au département des parcs et des loisirs de la ville qui assurent la réalisation des travaux. Cette foule d’intervenants démontre en effet la complexité d’implantation d’un tel projet de restructuration (Ministère des transports du Québec, 2006).

 

La participation du public vint aussi bonifier le processus. Des ateliers de discussion impliquant les trois paliers de gouvernement furent régulièrement organisés dans le quartier. Ces rencontres permirent aux citoyens de se prononcer sur des questions de sécurité, d’identité, ou tout simplement sur le projet en général. Ceci démontre que l’implication d’une diversité d’intervenants, au bon moment du processus de conception, peut mener vers un projet complet qui répond aux diverses aspirations, citoyennes comme gouvernementales.

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